On le sait, de nombreuses langues minoritaires sont menacées de disparition. Le même phénomène se retrouverait-il chez les animaux ? Une équipe s’est penchée sur le chant du méliphage régent, un oiseau de l’est de l’Australie. Cette espèce nomade est en voie de disparition suite à la destruction de son habitat sauvage. Ne reste que deux groupes, soit environ 200 individus. Les chercheurs australiens ont mis en évidence un appauvrissement de leur chant. Alors que celui-ci varie localement, plus d’un quart des mâles ne maîtrisait pas le « dialecte » de leur région. 12 % des mâles avaient même adopté le chant d’une autre espèce. Cette disparition culturelle est peut-être liée au mode d’apprentissage : le jeune méliphage apprend à chanter après son départ du nid parental, au contact d’autres mâles adultes. D’où les difficultés de transmission lorsque ces contacts ne sont plus assurés en raison du déclin démographique. La perte du chant de l’espèce est associée à une plus faible probabilité des individus de s’apparier et de se reproduire. Les chercheurs ne savent pas s’il y a un lien de causalité ou une simple corrélation des deux phénomènes. Toujours est-il qu’ils nourrissent un cercle vicieux : moins il y a d’individus, moins bien ils connaissent leurs chants, et moins ils ont de probabilité de se reproduire…
Sciences Humaines n°337, juin 2021
Ross Crates et al., « Loss of vocal culture an fitness costs in a critically endangered songbird », Proceedings of the Royal Society B, 31 mars 2021.