Pour assurer l’équité des citoyens, il est important que tous soient représentés lors des votes. Or, certains groupes sont moins enclins que d’autres à s’inscrire sur les listes électorales. C’est le cas des personnes handicapées. Parmi elles, les plus touchées par ce phénomène sont les personnes intellectuellement déficientes ou ayant des problèmes cognitifs. De façon contre-intuitive, montrent Pierre Yves Baudot et ses collègues*, la cause n’en est pas le handicap en lui-même mais le fait que celui-ci est plus souvent associé à des situations sociales (ne pas être propriétaire, être inactif, célibataire, etc.) propices à un faible taux d’inscription. D’où une sous-représentation paradoxale des personnes les plus prises en charge car l’institutionnalisation précoce est fortement associée à une faible insertion professionnelle et à une moindre probabilité d’avoir une vie conjugale. Comme le concluent les chercheurs, « ce ne sont pas directement les déficiences, mais les conditions de vie, pour partie déterminées par la mise en œuvre d’un traitement administratif et social particulier, qui expliquent l’écart d’inscription sur les listes électorales ». L’amélioration « de l’accès au bureau de vote, la fourniture de bulletins en braille ou la formation des présidents et assesseurs » ne suffira donc pas à elle seule à assurer l’inclusion électorale de ces personnes.
Sciences humaines n°333, avril 2021
*Pierre-Yves Baudot et al., « Les politiques publiques façonnent-elles les listes électorales ? Le cas des personnes handicapées en 2017 », Revue française de science politique, vol. 70, 2020/6.