16 millions de personnes victimes de travail forcé en 2016, selon l’Organisation internationale du travail. Une partie travaille dans le secteur de la pêche. Il y a quelques années, des témoignages terribles avaient ainsi été recueillis auprès de personnes ayant travaillé sur des bateaux thaïlandais. Mais ces pratiques sont difficiles à repérer. Une équipe américaine vient donc de mettre au point un outil pour mieux connaître et identifier les bateaux se livrant à ces méfaits. Les chercheurs ont utilisé les données fournies par des experts (notamment des ONG) sur des bateaux faisant appel au travail forcé. Ils ont croisé ces informations avec les données satellitaires de Global Fishing Watch, une ONG spécialisée dans le suivi de la pêche industrielle. Ce travail a permis de montrer que les bateaux ayant recours au travail forcé avaient des comportements spécifiques, observables par télédétection. Les principaux indicateurs de risque identifiés sont, entre autres, le fait de posséder une puissance motrice très élevée, d’effectuer un important nombre d’heures de pêche par jour, de passer de longues périodes en haute mer, ou de passer des périodes particulièrement longues en haute mer. En appliquant ce modèle à 16 000 bateaux de pêche industrielle, les chercheurs en ont identifié entre 14 et 26 % à haut risque de pratiquer le travail forcé, un taux qu’ils estiment sous-estimé pour des raisons méthodologiques. Cette recherche s’inscrit dans un courant consistant à utiliser la télédétection pour repérer les sites d’exploitation forcée – comme cela a été fait dans le cas de certaines briqueteries par exemple. Reste désormais à affiner l’outil et à l’utiliser pour lutter contre cet esclavage moderne qui sévit sur nos océans.
Gavin McDonald et al., « Satellites can reveal global extent of forced labor in the world’s fishing fleet », Pnas, vol. CXVIII, n° 3, 19 janvier 2021.
Paru dans Sciences Humaines, avril 2021, n° 335