Les femmes, dit-on souvent, seraient de bonnes manageuses et négociatrices grâce à leurs qualités d’empathie, de bienveillance et d’altruisme. Vraiment ? Un détour par l’histoire permet d’interroger ce présupposé. L’historien Matthieu Gellard* a analysé les lettres (environ 6 000) écrites par Catherine de Médicis entre 1560 à 1589, durant les règnes de ses fils Charles IX et Henri III. Quand le souverain donne des ordres ou fait des demandes, la reine-mère commente et n’hésite pas intercéder en faveur de ceux qui présentent plaintes ou réclamations. La souveraine s’attarde aussi sur les questions intimes – santé, grossesse, maladies. « Ma cousine, je suis infiniment martyre de ce que vous êtes encore malade », s’inquiète-t-elle en 1571 en écrivant à la duchesse de Nemours. Enfin, Catherine de Médicis entretient, plus fréquemment que ses fils, une correspondance avec les femmes des cours européennes.

Mais tout cela signifie-t-il que la reine écrit « comme une femme parce qu’elle est une femme » ? Si Catherine de Médicis peut éprouver des sentiments sincères, M. Gellard rappelle que ses écrits sont toujours au service des intérêts de la royauté. Par ailleurs, Catherine de Médicis sait aussi mobiliser des ressources « viriles », par exemple en suivant le roi à la chasse, ou en se rendant dans les camps de l’armée royale. D’où l’hypothèse que la reine écrit surtout « comme on attend qu’une femme écrive » : en se coulant dans les normes de genre de l’époque, elle s’offre un espace pour intervenir, à sa façon, dans la gestion politique du royaume. 

*Matthieu Gellard, « L’usage calculé d’une rhétorique de la féminité dans la correspondance de Catherine de Médicis », Revue historique, n° 702, 2022/2.

A lire dans Sciences Humaines n ° 353 – Décembre 2022