C’est l’une des questions auxquelles Ann Blair, chercheuse à Harvard, a répondu lors des deux conférences qu’elle a données en mars dernier à la Bibliothèque nationale de France. Cette spécialiste de l’histoire intellectuelle de la Renaissance s’intéressait aux premiers imprimés. Ou, pour être exact, à tous les éléments (titre, adresse, dédicace, table des matières, index, erratum, etc.) qui entourent le texte proprement dit. Tous ces éléments jouent un rôle important pour la circulation et l’acceptation de ce nouveau support. Les adresses aux lecteurs, par exemple, désamorcent les éventuelles critiques, car les auteurs craignent les polémiques qui peuvent naître de l’élargissement inédit du lectorat qu’entraîne l’imprimé. Quant au titre, il répond aux exigences commerciales. Les manuscrits médiévaux en étaient dépourvus : les commanditaires de ces objets chers et longs à réaliser savaient bien ce qu’ils possédaient ! En revanche, avec l’imprimé, le titre devient le premier élément qui va attirer le lecteur, distinguer l’ouvrage de ses concurrents et inciter à l’achat. Un élément indispensable à une époque où les coûts de fabrication sont élevés, et les invendus nombreux. Passant en revue avec finesse ce qui apparaît, à tort, comme anecdotique, A. Blair nous montre ainsi comment les codes qui nous semblent aujourd’hui si naturels se sont en réalité mis en place peu à peu alors que cet étrange objet – le livre imprimé – apparaissait dans le paysage européen.
Sciences Humaines n°337, juin 2021
Ann Blair, « Formes et rôle de l’entour des livres érudits à la Renaissance », conférences données à la BnF, 18 mars 2021, disponible en ligne. Ann Blair, L’Entour du texte. La publication du livre savant à la Renaissance, BnF, 2021.